Ce général lozérien décédé à Mâcon le 2 janvier 1871, était né à Châteauneuf-de-Randon, le 23 décembre 1791, dans une maison située sur la grande place, une maison qui servit de refuge durant la Révolution française à plusieurs prêtres réfractaires. Parmi ceux-ci, peut-être, Jean Roche, oncle du général, qui fut vicaire à Grandrieu et mourut - curé doyen du Bleymard.
Sa famille...
On trouve la famille Roche très anciennement implantée
dans les environs de Châteauneuf. Comme à chaque génération,
il y avait un Pierre dans la famille, on peut penser que la famille du
général pourrait descendre de Pierre Roche qui, en 1297 habitait
au mas, dit de La Rochette, paroisse de Chaudeyrac, à 6 km de Châteauneuf.
L'ancêtre direct du général, Jacques, était
consul de Châteauneuf en 1605 et son grand-père, Gabriel (1699-1776)
était notaire; Il habitait l'Habitarelle, dans le beau domaine qui
fut vendu par la suite aux Lahondès de la Borie et qui appartient
maintenant à la famille Chardon. Son père, Jean-Joseph (1742-1805),
était aussi notaire. Il eut 11 enfants. Le général
était le neuvième.
Le général. - A son décès, le 2 janvier 1871, le journal de Saône-et-Loire (2), lui consacra une biographie signée: « César Pradier, capitaine de vaisseau, commandant les subdivisions de l'Ain et de Saône-et-Loire ». Il écrivait:
- L'aîné, Joseph Gabriel Vital (1776-1867) fut notaire comme son père. Il fut maire. C'est lui que décrit le préfet Gamot, en 1813 (1) comme" un notaire remplissant assez bien ses devoirs ", de maire. Il fut aussi conseiller général du canton, et finalement juge de paix. C'est lui qui, avec l'aide de l'Etat, fit élever à l'Habitarelle, en 1828, un mausolée à l'endroit supposé du trépas du connétable Bertrand Du Guesclin. Il eut 13 enfants: une fille Pierrette (1807-1861) consacra sa vie aux pauvres de Châteauneuf ; à son décès (11 mai 1861) on la considérait comme une sainte.
- Joseph (1808-1883) fut capitaine; il se retira à Châteauneuf et y décéda célibataire.
- Adeline (1810-1881) devint Visitandine à Marvejols, et fut à six reprises désignée comme supérieure de l'établissement.
- Angélique Hortense (1812-1878) devint soeur de Saint-Vincent-de-Paul et se distingua lors du siège de Paris et de la Commune, en tenant la première cantine de soupe populaire.
- Ferdinand, né en 1813, devint directeur de l'orphelinat du Choisinet, commune de Saint-Flour-de-Mercoire, établissement qui avait été fondé par l'abbé Favier, en 1850.
- Le 12e enfant, Amédée (1822-1901) succéda comme notaire à son père. il fit bénéficier la paroisse de ses générosités, notamment par la création d'une école libre. il mourut célibataire.
- Le 13e enfant, Théodore (1824-1908) devint magistrat. il présida successivement les trois tribunaux de Lozère (Florac, Marvejols et Mende), puis devint conseiller à la cour d'appel de Nîmes.
La campagne ‘d’Algérie. - Le général était encore colonel, lorsqu'il fut appelé à servir en Afrique avec le 5e régiment de ligne qu'il commandait, sous la direction supérieure du lieutenant général de Lamoricière. C'était en 1845. Cette campagne, la plus difficile et la plus sérieuse qui ait été faite en Algérie, ne se distingue par aucun trait saillant, par aucun combat de quelque importance. " Elle est admirable et fastidieuse ", écrit Camille Rousset dans son histoire de la conquête de l'Algérie. On en trouve le détail dans l'histoire du régiment, par Demiau. C'est pourtant elle qui aboutit à la capture de la smala d'Abd-el-Kader et à la soumission du chef arabe.« la mort vient encore de nous enlever un de ces glorieux débris de notre grande et héroïque armée du premier empire ».
« Le général Roche a succombé, lundi 2 janvier à Mâcon, à une courte maladie, sans avoir eu la consolation d'embrasser, au moment suprême, ses deux fIls qui marchent si dignement sur ses traces et sont tous les deux chefs de bataillon dans l'armée : l'un prisonnier à Mayence, l'autre à l'armée de l'Est.
« Peu de carrières ont été plus nobles et plus laborieusement parcourues, que celle du général Roche: né en 1791, le 23 décembre, à Châteauneuf-de-Randon (Lozère), il entra à l'Ecole militaire de Saint-Cyr le 22 février 1810 et en sortit, le 12 avril 1812, en qualité de lieutenant en second d'artillerie. Depuis cette époque, jusqu'au licenciement de l'armée de Loire, M. Roche prit part à toutes les batailles qui ont illustré cette terrible et néfaste campagne de 1813, où la France avait lutté contre l'Europe coalisée.
« Lützen, Bautzen, Dresde, Leipzig, Hanau, voilà les glorieux noms que M. Roche peut inscrire avec honneur dans ses états de service. Appelé à Paris en 1815, pour y commander 10 compagnies du 7e d'artillerie, qui furent attachées à celles de la vieille garde, M. Roche prit part aux deux batailles de Fleurus et Mont Saint-Jean. Rappelé à l'activité le 15 octobre 1817, M. Roche fit la campagne d'Espagne en 1823, assista à la prise du Trocadéro et fut mis à l'ordre du jour de l'armée (3).
« Passé dans l'infanterie de ligne par permutation, il conquit ses grades avec honneur et en 1845, il part pour l'Afrique, où il reste comme colonel du 5e de ligne pendant les années 1845- 46-47 et 48, époque à laquelle il fut nommé général de brigade. Il avait 57 ans.
« Jusqu'en 1850, le général Roche continua à servir en Afrique et prit part aux nombreux combats qui assurèrent la pacification de la province d'Oran. Rentré en France, le général Roche a terminé sa longue carrière militaire, après 44 ans de service, comme commandant de la 4e subdivision de la 5e division militaire. Atteint par la limite d'âge, il fut placé en 1853, dans le cadre de réserve.
« Nommé chevalier de la Légion d'Honneur (et décoré) par l'Empereur sur le champ de bataille de Fleurus (4), le général Roche était à sa mort, commandeur de la Légion d'Honneur, chevalier de Saint- Louis et de l'ordre de Charles III d'Espagne.
« Le général Roche s'est éteint au milieu des circonstances les plus douloureuses pour son pays, qu'il aimait avec passion... " (5).
Partant de Sidi-bel-Abbès, Roche est allé plus loin dans le désert, que n'étaient allées encore les plus vieilles troupes africaines, sur les traces des tribus hostiles qui décimaient les troupes. Le 5e de ligne surmonta les pires difficultés avec une héroïque abnégation: des chaleurs suffocantes, allant jusqu'à 48° à l'ombre et 64° au soleil, la poussière soulevée par le sirocco et surtout, le manque absolu d'eau potable. Quelques soldats sont tombés de lassitude sur le sol brûlant et trois d'entre eux à demi asphyxiés se sont donné la mort.
S'il n'a pu atteindre l'ex-émir Abd-el-Kader, le 5e de ligne a opposé un obstacle victorieux à sa pénétration dans le Tell et a causé ainsi sa reddition, dont il a été témoin (23 décembre 1847). Cette valeureuse campagne a valu au colonel Roche, d'être promu général de brigade, le 7 décembre 1848. Il aimait tant ses soldats qu'il avait les larmes aux yeux en leur faisant ses adieux et en leur remettant leur nouveau drapeau, qu'il venait de recevoir, à Oran, des mains du Général Pélissier. Ce drapeau du 5e de ligne (ex-régiment de Navarre), déchiré et enterré au triste soir de Sedan, fut sauvé par trois sous-officiers qui le déterrèrent, traversèrent les lignes allemandes et le rapportèrent au dépôt du corps. Ce glorieux débris figure aujourd'hui au musée des Invalides.
Décédé loin de sa commune natale, le général Roche n'a pas reçu de ses compatriotes lozériens l'hommage qu'il aurait pu recevoir. D'autre part, son décès en janvier 1871, au lendemain d'une grave défaite, à un moment où les autorités locales avaient pour principaux soucis de maintenir une cohésion contre l'ennemi, et un ravitaillement tant en vivres qu'en munitions, d'une population isolée, n'a pas été un facteur favorable pour que la Lozère lui vouât un filial souvenir.
Yves Roche - Bulletin n° 13 du C.E.R. ( Centre d'Etudes et de Recherches de Mende) - Septembre 1992.
1) La Lozère à la fin du premier Empire, Mémoire
du CER, N° 2.
2) Journal du 5 janvier 1871.
3) Commencée le 7 avril 1823, l'expédition d'Espagne
avait pour objectif de délivrer le roi Ferdinand VII prisonnier
des Cortès. L'expédition se termina devant Cadix, par la
prise de la forteresse du Trocadéro, le 31 août suivant.
4) Cette bataille est aussi connue sous le nom de bataille de Ligny,
16 juin 1815, deux jours avant Waterloo.
5) Voir aussi l'article de Jacques René Cantou, dans Lou Païs,
septembre-octobre 1991.